Publié par : Mathilde P., le 09/07/2024

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C'est que du bonheur - Théâtre - Critique


Pièce : C'est que du bonheur !
Dates : du 29 juin au 21 juillet relâche les 4, 11, 18 juillet
Heure : 17h45
Durée : 1h20
Théâtre : Au coin de la lune


Oh, vous allez être parents ? Vous verrez, c'est que du bonheur ! Enfin, oui, mais pas tout le temps. Comme nous sommes des êtres vivants, il nous arrive de tomber malades, de faire des erreurs, de nous poser des questions, de ressentir des émotions... d’être humain tout simplement. C’est ce que va nous montrer cette pièce jouée au Théâtre au Coin de la Luna. On se retrouve à l’hôpital où les parents viennent d’amener leur bébé suite à un problème de santé. Tout de suite, les médecins posent l’étiquette de l’enfant "secoué" et donc qu’il serait victime de violences infantiles. Tout le système de protection de l'enfance, et forcément la justice, se met en place et catégorise les parents de violents.

Pour donner plus de force à ce bébé, il est incarné par un violon. Ses émotions, ses sensations sont retransmises grâce à l’instrument qui, pour exprimer la douleur, a les cordes grattées par la violoniste. Après analyses et interrogations, le verdict tombe très vite : l’enfant est enlevé aux parents pour être placé dans un foyer, puis en famille d’accueil. Les scènes se déroulent rapidement, pour les parents comme pour les spectateurs, comme si nous étions à leur place et que nous vivions la même chose. On passe de scène en scène où les messages sont clairs : les parents n’ont pas le temps de se défendre ou d’expliquer la situation, l’affaire est classée, le verdict est indiscutable. Les parents n’ont droit qu’à trois heures de visite par semaine. Des phrases percutantes sont envoyées, telles que "Il faudrait un permis de parentalité" et que, dans certains cas, certains ne mériteraient pas d’être parents.

Tout de suite, le spectateur se met dans la peau du papa ou de la maman, on ressent leurs émotions : l’injustice, l’énervement, la perte de contrôle, la colère. Ils sont victimes d’un système qui juge à la va-vite par manque de temps, jette un coup d'œil au dossier, pense savoir mieux que tout le monde ce qui serait le mieux pour le bien du bébé. La maman voyant le père craquer pense qu’il ressent de la culpabilité, vu qu’il était en train de changer le bébé quand le drame est arrivé. Ils sont suivis par une psychologue et assistent aux séances pour s’exprimer, mais leur parole n’a que peu de poids dans la balance de la justice toute-puissante.

Cette pièce interroge sur le rôle des parents : est-on prêt à avoir des enfants ? Est-ce normal de se poser des questions, d’en avoir parfois marre, besoin de souffler, en somme : est-on à la hauteur de cette grande mission ? Cette pièce s’adresse à nous avec un message fort d’actualité car ces parents qui vivent l’enfer pourraient être nous, vous, tout le monde. "Être parent, c'est se faire confiance" au sein du couple, mais l’amour ne suffit pas pour élever un enfant.

Attention ! Cette pièce ne critique nullement le système judiciaire, de protection à l'enfance ou les policiers, mais met en lumière des failles : le manque de temps, le classement des dossiers, le regard des professionnels pas toujours objectif, les critiques et le jugement facile... La mise en scène a été très soignée puisque chaque détail, chaque sonorité a son importance. Chaque moment est pensé intelligemment, les silences sont évocateurs du malaise dû à la situation. C’est une pièce tellement haletante qu’on se croirait au cinéma, face à un thriller psychologique qui gagne en puissance tout au long de la pièce. Le jeu des acteurs est impressionnant car ils doivent jouer différents personnages à tour de rôle, sauf les parents qui restent eux-mêmes. On passe de rebondissement en rebondissement, de lieu en lieu, on s'interroge, on fait preuve d'empathie face à l’injustice de la situation.

Inspirée d’une histoire vraie, Alex Gangl a écrit "C'est que du bonheur", l’a mise en scène et interprète le papa, en compagnie des autres comédiens. Celui-ci s’est très bien renseigné sur le sujet lors de l’écriture, auprès des services professionnels tels que les assistantes sociales, les juges aux affaires familiales, les professionnels de santé, et même l’association "Adikia", qui recense malheureusement nombre de familles concernées par ce drame. Et pour finir, choix judicieux que de prendre le violon pour incarner le bébé, car c’est l’instrument qui s’en rapproche le plus puisqu’il sait chanter les sentiments de l’âme humaine.
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