L'emprise. Voilà le sujet choisi et inspiré par Frédérique, qui après avoir vécu une situation similaire, a voulu la porter sur scène avec Jean-Charles à ses côtés. Cela a donc donné lieu à une production franco-canadienne, jouée au théâtre "Le Cabestan".
Sur scène, deux acteurs : Frédérique incarnant tour à tour Vicky, une jeune québécoise ostéopathe vivant sur Paris, ainsi que la mère de Maxime, manipulatrice et possessive. Tandis que Jean-Charles incarne Maxime, barman mais plutôt artiste dans l'âme qui rêve d'une autre vie, ainsi que Didier, le compagnon jaloux et possessif de Vicky. Ceux-ci jouent scène après scène deux rôles, qui vont s'entremêler, évoluer, empirer, changer. Vicky et Maxime nous racontent leur histoire personnelle qui se croise avec leur histoire d'amitié commune qui va les amener tous deux à réagir, prendre du recul ou non selon la situation.
Tous les deux vivent une situation d'emprise avancée, sous l'influence et le contrôle d'un autre, ne pouvant vivre leur vie comme ils l'entendent et s'épanouir librement. Ils sont coincés dans leur histoire, leur relation toxique qui les étouffe.
Vicky va emménager avec Didier, un avocat à l'apparence affectueuse, bien sous tous les angles. Il veut la contrôler, la posséder, quitte à lui faire perdre son identité et son sourire. Comme illustration frappante, elle perd son accent québécois, s'amaigrit et s'oublie pour faire passer les désirs de Didier avant les siens. Il veut un enfant mais Vicky fait une fausse couche et perd le bébé ce qui déclenche la fureur de Didier.
Maxime tient le bar que lui a confié sa mère mais qui reste propriétaire tout en gardant un œil sur les affaires de son fils. Plusieurs fois il déclare "je rêve qu'elle s'étouffe" mais rien n'y fait. La mère est envahissante et décide de tout à la place de Maxime, manipulatrice elle use d'arguments en se victimisant, en faisant passer sa maladie avant l'avis et la vie de son fils qui finit par céder à tous ses caprices. Il rêve d'être artiste et de faire des expositions mais sa mère le rappelle à l'ordre : "Je ne serai pas toujours là, il faut que tu sois réactif", "Ce n’est pas un défaut d'être émotif c'est juste plus long". Sa mère semble le connaître mieux que quiconque mais sa rencontre avec Vicky la québécoise parisienne semble être un grain de sable dans l'engrenage.
Vicky, quant à elle, raconte à Maxime sa relation amoureuse : "il attend pas mon anniversaire pour me gâter". Elle lui conte son quotidien qui semble choquer Maxime, celui-ci essaye de lui ouvrir les yeux, la faire réagir mais rien n'y fait. Vicky s'enlise dans sa relation, comme Maxime avec sa mère.
Les deux histoires sont parallèles, un coup nous suivons Vicky et Didier, puis Vicky et Maxime dans le bar en guise de point de liaison, puis Maxime avec sa mère. Au prime abord, ces trois situations peuvent dérouter le spectateur qui aurait du mal à saisir qui est qui, dans quelle histoire nous sommes, mais très vite le jeu des acteurs et la mise en scène nous plongent dans le bain et nous voyons, impuissants, les trois histoires évoluer.
On passe de jour en jour grâce aux lumières et à la musique. Les acteurs s'amusent avec le mobilier sur place, des chaises et des banquettes inclinées, qui servent tantôt de comptoir dans le bar de Maxime, tantôt de support au cabinet d'ostéopathie ou chez le gynécologue. Quand la lumière diminue et que la musique comble le vide, Frédérique et Jean-Charles aménagent la scène, déplacent tel ou tel meuble pour nous faire changer d'ambiance et de situation.
Si au début Vicky et Maxime nous font rire par leur naturel attachant et quelque peu déroutant, l'emprise qui sert de toile de fond remonte très vite à la surface et nous fait grincer des dents voire tiquer. Le spectateur est réduit au silence et contemple passivement les histoires qui finissent par nous toucher. Si Frédérique a choisi d'écrire cette pièce, elle veut amener le public à réagir et prendre lui aussi du recul en se posant cette question : est-ce que moi aussi j'ai vécu ou je vis une situation d'emprise ?
Le tout est fait pour montrer à quel point l'emprise peut détruire une personne grâce au jeu des acteurs maîtrisé avec panache. On ne peut que s'incliner devant cette performance humoristique, psychologique et palpitante qui nous donne matière à réfléchir lorsque l'on quitte la salle… Comme tout très bon repas, cela nécessite un temps pour digérer ce que l’on a vu…
N'hésitez pas à consulter
notre interview de Frederique Auger à la suite de la représentation.