Pièce de théâtre : Qui va là ?
Halte ! Qui va là ?! "Qui va là ?" Mais c'est Alexandre voyons, il n'en a pas l'air comme ça, de prime abord mais c'est le comédien de la pièce. Assis parmi les spectateurs, il attends comme nous que la pièce veille bien démarrer. On semble attendre un comédien qui tarde à venir et qui au final ne viendra pas puisque Alexandre montera sur scène avec en guise de bagage un sac blanc en plastique. Un peu gêné au départ, il s'adresse au régisseur pour savoir s'il peut prendre 5 minutes sur scène et avoir de l'éclairage. On finit par comprendre que le fameux comédien que l'on attend tant c'est Alexandre et c'est ce qui fait la beauté, la poésie et le naturel de cette pièce.
Animé par une forme de nonchalance et de désinvolture, Alexandre monte sur scène et organise la pièce à l'aide d'outils (seau rempli d'eau, échelle, chaise) pour nous faire comprendre à quoi ressemblait sa maison lorsqu'il était enfant et vivait en harmonie et en insouciance avec sa maman. Le décor est peut être sobre mais il suffit en lui même. Tout comme le personnage, "seul en scène", naturel, exprimant des phrases simples sans grand discours mais d'une efficacité certaine. Attendrissant, Alexandre nous touche en plein cœur, il se souvient, raconte, partage son vécu, un bout de sa vie d'avant avec maman puis de maintenant, SDF sans maman.
Abandonné par son père, il a été élevé par sa mère avec qui il vivait dans un appartement en région parisienne. Grâce à l'aide de Bolo, le régisseur, il met en lumière au fur et à mesure tel où tel objet pour évoquer ses souvenirs. Pour monter sur le rebord de sa fenêtre d'enfant il monte sur l'escabeau et raconte. Pour symboliser la salle de bain il utilisera le seau d'eau et le fauteuil quant à lui servira à incarner sa mère. Un personnage pourtant absent mais décrit avec tellement de détails que l'on finit par le visualiser sur scène. Bien qu'Alexandre ait 46 ans, il a perdu sa mère depuis tout juste un an, il a gardé un côté enfantin proche de sa mère qu'il transporte partout avec lui dans urne, qu'il oubliera d'ailleurs un jour dans une gare.
Ah les gares et Alexandre ! Sa passion, les trains de nuit : son refuge nocturne qu'il emprunte de gare en gare, de ville en ville, de nuit en nuit sans payer bien sûr. C'est là sa liberté, bien qu'il soit à la rue il est libre comme Max qu'il se plaît à chanter. Il a beau avoir perdu ses repères depuis la disparition de sa mère, ses pensées se bousculant lorsqu'il essaye de dormir, il se raccroche au peu qu'il possède comme ses papiers, la photo de sa mère, comme si c'étaient ses propres souvenirs. C'est tout ce qui lui reste.
Alexandre est un personnage rieur, touchant et sensible qui laisse éclater ses sentiments et se sert d'une scène de théâtre comme légitimité. Il prend le public à témoin, se confie car à travers tous ces souvenirs et ce partage c'est l'envie d'aller vers les autres qui l'anime, il a envie de découvrir les gens, de parler, car au fond de lui il se sent seul. A travers cette pièce de théâtre aux abords désarmants avec ce personnage qui sort de nulle part et s'attribue la scène pour y raconter sa vie, de nombreux thèmes sont abordés : la vie des SDF, la notion d'hygiène dans la rue, la détresse, le rapport aux forces de l'ordre, les pensées d'un homme torturé…Si tout le monde est humain pourquoi porter un regard différent sur Alexandre ? Lui aussi a le droit d'exister et d'avoir des besoins comme celui d'être propre, de se nourrir, de tromper l'ennui en voyageant de nuit et surtout en partageant sa mélancolie. Cette pièce porte à réflexion et délivre un message comme Thierry de Pina le fait également très bien dans "un mardi a Monoprix", à voir pour ceux qui aiment les réflexions sur l'âme humaine et ses méandres, sur le regard et le jugement de l'autre,…
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