Entretien avec Franck Buirod, auteur de Et si c’était elle


Lors du Festival Off 2024, la pièce engagée Et si c’était elle de Franck Buirod a été jouée au théâtre "Au Palace". Ce lieu, désormais au cœur d’un scandale financier, a marqué les esprits, mais pas pour les bonnes raisons. L’auteur revient sur son expérience et les conséquences de cette aventure lors d'une interview téléphonique ce 14 Janvier.


Publié par : Jérôme C., le 14/01/2025

AEM : Comment avez-vous été amené à vous produire au Palace pour le Festival Off 2024 ?

Franck Buirod : En réalité, c’est Hicham Fassi-Fihri, le gestionnaire du Palace, qui nous a contactés. Il cherchait des pièces engagées, et comme la nôtre traite du handicap, il a été très enthousiaste. Il nous a rapidement mis en confiance, expliquant qu’il n’y aurait rien à payer et que les recettes seraient partagées à 50/50. C’était une proposition difficile à refuser.

Les termes du contrat étaient-ils clairs dès le départ ?

Oui, tout semblait clair et très motivant. Il n’y avait pas de signaux d’alerte immédiats. Hicham Fassi-Fihri est une personne charmante, ce qui peut expliquer pourquoi nous avons été pris au dépourvu. Avec le recul, je dirais que c’est un trait des "bons escrocs" : ils savent inspirer de l’empathie.

Avez-vous remarqué des signes de difficultés financières ou organisationnelles avant ou pendant le Festival ?

Quelques jours avant l’ouverture, nous avons appris qu’il y avait des problèmes techniques au théâtre, au point qu’il risquait de ne pas ouvrir. Mais pris dans l’effervescence du Festival, nous n’avons pas prêté attention à l’alerte. Nous avons appris plus tard que les techniciens chargés des réparations – climatisation, éclairage, etc. – n’avaient pas été payés. À ce moment-là, nous n’avons pas réalisé l’ampleur des difficultés.

Votre compagnie a-t-elle avancé des frais pour se produire au Palace ?

Pas directement. Contrairement à d’autres compagnies, il ne nous a pas demandé de minimum garanti. Cependant, certaines troupes ont payé ces frais, et ces montants ont été encaissés sans contrepartie.

Quelle somme vous est aujourd’hui due ?

Huit mille euros. Il nous a expliqué que l’un de ses associés s’était désengagé et qu’il avait dû payer divers organismes pour permettre l’ouverture du théâtre. Mais en demandant des preuves, comme des factures, il n’a jamais pu nous fournir le moindre document. C’est là que j’ai commencé à comprendre que la situation était plus grave qu’il ne le disait.

Avez-vous engagé des démarches juridiques pour récupérer cet argent ?

C’est compliqué. Cela demande beaucoup d’énergie et des moyens financiers que nous n’avons pas. J’ai consulté un avocat, mais il m’a expliqué que si Hicham Fassi-Fihri n’a rien à son nom, il sera difficile, voire impossible, d’obtenir quoi que ce soit. Cela montre qu’il est possible de contourner les lois en France dans ce genre de situation.

Quelles étaient les conditions au Palace sur place, malgré ces difficultés ?

Pour le coup, les infrastructures étaient très bonnes. L’accueil et l’organisation étaient impeccables. L’équipe en place était compétente et agréable. Malheureusement, ces employés, souvent très jeunes, n’ont pas été payés non plus. Ils comptaient sur ce travail d’été pour financer leurs loisirs ou leurs études, mais ils n’ont rien touché.

Comment cette expérience a-t-elle impacté votre compagnie sur le plan financier et moral ?

C’est une catastrophe. Nous avons dû assumer seuls les coûts liés au logement et aux déplacements des comédiens. Bien sûr, nous les avons payés, car il était hors de question qu’ils subissent cette situation. Mais cela nous a laissé exsangues. Nous avions prévu de jouer à Paris après le Festival, mais sans les recettes du Off, cela a été impossible.

Envisagez-vous de participer au Festival Off 2025 malgré cette expérience ?

Oui, mais avec beaucoup plus de prudence. Nous avons une proposition d’un autre théâtre, et je prends désormais le temps de poser toutes les questions nécessaires. Ce qui nous est arrivé ne doit pas nous empêcher de vivre cette aventure magnifique qu’est le Off, mais nous serons beaucoup plus méfiants.

Quels mécanismes devraient être mis en place pour éviter ce type de situation à l’avenir ?

Il est impératif que la mairie et l’AF&C (Avignon Festival & Compagnies) renforce ses contrôles, notamment sur les licences d’exploitation. Nous avons appris que Hicham avait ouvert le Palace sans avoir les autorisations nécessaires. Cela ne devrait jamais arriver. Un système de vérification plus strict protégerait les compagnies et éviterait que des situations comme la nôtre se reproduisent.

Un dernier mot pour conclure ?

Ce n’est pas une vengeance personnelle contre Hicham Fassi-Fihri, mais je veux que cette histoire serve d’exemple. Je ne veux pas que d’autres compagnies se retrouvent dans la même situation. J’ai déjà averti plusieurs jeunes metteurs en scène qu’ils devaient éviter de travailler avec lui. Nous avons besoin de plus de vigilance de la part des institutions pour que cela ne se reproduise pas.

Où retrouver la pièce "Et si c'était elle ?"

La pièce Et si c’était elle continue de vivre et sera jouée :

Du 10 janvier au 28 mars 2025, chaque vendredi à 21h30,
Théâtre Montmartre Galabru, 4 Rue de l’Armée d’Orient, 75018 Paris.

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