La Carreto de Mountfavet

Dans un monde qui file à toute allure, où les vieilles traditions rurales sont souvent laissées au bord du chemin (juste à côté des tracteurs rouillés), certaines associations relèvent le défi de garder la mémoire collective bien vivante. Parmi elles, il y a la Carreto de Mountfavet, un bastion de résistance nostalgique, situé à Montfavet – ce quartier d'Avignon qui a l’âme d’un village. Créée en 1998, cette association de passionnés n’a pas seulement restauré quelques vieilles charrettes, elle a redonné vie à un patrimoine tout entier. Entre l'école d'antan, où les enfants redécouvrent la joie d’écrire à la plume, et la remise en état d'outils agricoles oubliés, la Carreto ne se contente pas de ressusciter le passé – elle l'anime avec enthousiasme, humour, et un sens aigu de la tradition.

Une naissance pour sauver le patrimoine agricole

L'idée de la Carreto de Mountfavet est née d'une constatation alarmante : le patrimoine rural, autrefois omniprésent dans les fermes de Montfavet, était en train de disparaître. En 1998, un groupe d’habitants, désireux de recréer un défilé traditionnel pour la fête des foins, s'est rendu compte qu’il ne restait presque plus de charrettes, chevaux ou outils agricoles dans la région. Comme le rappelle Thierry Guiot, président de l’association, « tout avait disparu ou était dans un état pitoyable. » De cette prise de conscience est née une mission : récupérer, restaurer et faire revivre ce patrimoine en péril.
Depuis plus de vingt ans, l'association collecte des objets agricoles anciens, les restaure avec soin et les expose lors d’événements locaux. Ce travail de longue haleine a permis de sauver de nombreuses pièces historiques, dont certaines datent de la fin du XIXe siècle. Mais pour Thierry Guiot et les membres de la Carreto, il ne s’agit pas simplement de préserver des objets inertes. « Ce qui compte, c’est de faire revivre ce matériel, de montrer aux gens comment il fonctionnait et de leur rappeler d’où nous venons. Parce que quand on sait d'où on vient, on sait où on va», explique-t-il avec passion.

L'école d'antan : un succès pédagogique

Parmi les initiatives les plus marquantes de la Carreto de Mountfavet, la reconstitution de l'école d'antan se démarque. Chaque année, à l'Espace Metaxian de Montfavet, l'association organise une exposition immersive qui plonge les visiteurs dans une salle de classe du début du XXe siècle. Des bureaux en bois patinés par le temps, des cartes anciennes, des encriers et même un boulier : tout est réuni pour faire revivre l’ambiance d’une époque révolue.
L'objectif est simple : transmettre aux jeunes générations une part de l'histoire locale et leur faire découvrir ce qu'était l'école autrefois. « Ce n’est pas juste une exposition, c’est une véritable expérience interactive », précise Thierry Guiot. En effet, les élèves des écoles de Montfavet participent à deux ateliers distincts : l'un consacré à l'écriture à la plume et à la découverte des cartes murales anciennes, l'autre dédié aux mathématiques avec l'utilisation du boulier.
Cette année, pas moins de 645 élèves issus de 27 classes ont participé à cette expérience immersive. À cela s’ajoutent une centaine d’adultes qui viennent découvrir cette reconstitution en dehors des visites scolaires. « Nous avons voulu montrer ce matériel au public, car le laisser dormir dans un entrepôt n’aurait pas eu de sens », ajoute le président de l'association. Vous pouvez encore voir cette exposition samedi après midi et les 21, 22 et 23 octobre au matin.

Jules-François Pernod et le patrimoine industriel de Montfavet

Outre l’école d’antan, l’espace Metaxian se distingue également par ses expositions thématiques, qui explorent différents aspects de l’histoire locale. L’une des figures qui sera mise en lumière par l’association est Jules-François Pernod, célèbre pour avoir créé le pastis Pernod. Peu de gens le savent, mais avant de devenir un acteur incontournable de la production de pastis à Marseille, Pernod a commencé son activité à Montfavet. À l’origine, il produisait de la garance, une plante utilisée pour teindre les uniformes des soldats français. Lorsque l’usage de la garance a cessé, il s’est tourné vers la production d’absinthe, avant que cette dernière ne soit interdite en France. C’est ainsi qu’est née la célèbre boisson anisée qui porte son nom.
Pour l’espace Metaxian, l’histoire de Pernod symbolise la transition industrielle de Montfavet, qui, d’un village agricole, est devenu un acteur clé de l’industrie régionale. Une exposition dédiée à cette figure emblématique a permis de rappeler aux visiteurs que Montfavet ne se limite pas à son passé rural, mais qu’il a également joué un rôle dans l’essor industriel de la région.

Monsieur Bourelly : un bâtisseur méconnu

Un autre personnage important de l’histoire de Montfavet, que l’espace Metaxian met en avant, est Monsieur Bourelly. Entrepreneur originaire du nord de la France, Bourelly a marqué Montfavet de son empreinte en construisant tout un quartier pour loger ses ouvriers. Son nom est également associé à la construction du monument aux morts de Montfavet, une réalisation qu'il a non seulement financée, mais aussi conçue. Pour l’espace Metaxian, cette exposition est l’occasion de rendre hommage à un homme qui a profondément influencé l’urbanisme et la vie locale de Montfavet.
Un dépôt de plaque aura lieu le 8 novembre, Chemin de la forêt.

Une ferme d'antan pour replonger dans la vie rurale

Outre ses expositions, la Carreto de Mountfavet participe activement à la fête des foins en organisant chaque année une reconstitution d'une ferme d'antan. Située au cœur de Montfavet, cette ferme éphémère permet aux visiteurs de découvrir la vie agricole telle qu’elle était autrefois, avec des animaux de la ferme, des chevaux de trait et des outils d’époque en parfait état de marche.
« Ce qui fait la richesse de notre association, c’est que nous faisons revivre ces objets », affirme Thierry Guiot. En effet, les machines agricoles restaurées ne sont pas simplement exposées, mais mises en fonctionnement lors de démonstrations publiques. « Nous participons à des manifestations comme le Salon des agricultures de Provence, où nous montrons comment fonctionnait la fenaison, de la coupe du foin à son pressage », précise le président. La Carreto de Mountfavet dispose d’une presse à foin datant de 1870, entièrement restaurée, qui est utilisée lors de ces démonstrations.

Une communauté soudée par la passion

L’un des atouts majeurs de la Carreto de Mountfavet est la cohésion de son équipe. Composée d’une centaine de membres, dont une vingtaine d’actifs, l’association fonctionne grâce à l’engagement bénévole de ses adhérents. « Chacun apporte ses compétences, qu’il s’agisse de restauration de charrettes, de soudure ou de travail du bois. Nous sommes une communauté soudée par une même passion », confie Thierry Guiot.
Cependant, l’avenir de l’association repose sur la capacité à attirer de nouveaux membres, notamment des jeunes générations. « Nous ne sommes pas dans le sport, c’est donc plus difficile d’intéresser les jeunes. Mais nous voyons de plus en plus de trentenaires rejoindre l’association, souvent parce qu’ils veulent montrer à leurs enfants un autre mode de vie », explique le président.

Une association ancrée dans le futur

Malgré les défis, la Carreto de Mountfavet ne cesse de se réinventer. Après une période difficile liée à la pandémie de COVID-19, l’association a repris ses activités avec enthousiasme. « Nous avons réussi à nous remotiver ensemble, car c’est cela l’essence même de l’association : fonctionner comme une communauté », conclut Thierry Guiot.
Aujourd’hui, l’association ne se contente plus de préserver le passé : elle regarde également vers l’avenir, cherchant sans cesse à sensibiliser les nouvelles générations à l’importance du patrimoine rural. Montfavet, autrefois un simple village agricole, est aujourd’hui en pleine mutation urbaine. Mais grâce à des initiatives comme celles de la Carreto, la mémoire collective continue de vivre, rappelant à chacun d’où vient cette terre riche en histoire.
La Carreto de Mountfavet démontre qu’au-delà des objets, ce sont les histoires et les traditions qui donnent vie à une communauté. Et tant que des associations comme celle-ci continueront de transmettre ces récits, le patrimoine rural de Montfavet ne disparaîtra jamais.