Chaque trait, chaque esquisse, chaque éclat de rire : Emmanuel Chaunu nous invite dans un univers où la caricature et le théâtre se rencontrent pour donner vie à un spectacle singulier. À l'orée de son premier passage au festival d'Avignon, l'artiste dévoile un monde où l'actualité se transforme en comédie et où la satire prend un tour résolument scénique. L'artiste, à la fois caricaturiste et comédien, fusionne ses deux passions pour offrir une performance qui se joue des frontières entre le dessin et la scène.
Pour lui, la caricature n'est pas simplement un art ; c'est une matière vivante, modelée par le rythme effervescent de l'actualité. Ce spectacle est une expérience rare, un lieu où deux facettes de l'artiste se rencontrent, se mélangent et se nourrissent mutuellement. Le caricaturiste, souvent en retrait derrière sa planche à dessin, fait ici le grand saut vers la scène. Sur les planches, il incarne à la fois le créateur et le comédien, utilisant son corps pour compléter ses dessins, transformant les coups de pinceau en éclats de rire.
« Le comédien, c’est la cigale », nous explique-t-il avec une lueur malicieuse dans les yeux. Un contraste frappant avec le caricaturiste, qui, tel un fourmi, travaille en arrière-plan, son dessin toujours prêt à faire le lien entre le monde réel et la satire. Ce duel entre l’ombre et la lumière, entre le croquis et l'action, donne naissance à un spectacle où le temps semble suspendu. Il nous rappelle que la caricature est plus qu’un simple dessin ; c’est un miroir déformant de la société, un outil pour questionner et provoquer.
Avignon, ville de théâtre, devient pour lui un terrain de jeu incomparable. « C’est une revanche girondine face aux jacobins », s’amuse-t-il, soulignant le contraste entre la capitale et cette ville qui, pendant quelques semaines chaque été, se transforme en sanctuaire du spectacle vivant. Le festival est pour lui une chance inouïe d’expérimenter et d’exprimer son art dans une ambiance effervescente, où le spectateur est au cœur d’une fête où le rire est roi.
Dans le flot incessant de l'actualité, la caricature trouve parfois sa place entre la satire et la censure. Il note avec une certaine tristesse que la liberté de caricaturer est de plus en plus restreinte. Aujourd’hui, les dessins peuvent rapidement devenir des sujets de controverse, un reflet des tensions sociétales où l’humour semble parfois ne plus avoir sa place. Pourtant, il persiste à voir dans l’acte de caricaturer une forme de résistance, une manière de garder vivante la flamme de la satire.
La scène avignonnaise devient alors un lieu de rencontre entre le passé et le présent. Emmanuel Chaunu se souvient des gargouilles médiévales, qui, comme ses dessins, étaient des commentaires satiriques sur la société. Et tout comme ces sculptures, ses caricatures cherchent à interroger, à provoquer la réflexion tout en divertissant. Il joue avec les limites, égratignant le monde politique et social, tout en naviguant entre respect et irrévérence. Dans ses dessins, la vache devient le miroir de la dégradation politique, une manière originale d’exposer les défaillances des présidents successifs. Le salon de l'agriculture, véritable institution française, devient pour lui une scène où se joue le déclin de la France à travers le prisme de l’humour.
Son spectacle est une performance vivante, un acte de jonglage entre le dessin et la scène, où chaque trait et chaque réplique viennent enrichir une expérience inédite. Le spectacle évolue avec l'actualité, permettant à Emmanuel de commenter en temps réel les événements qui façonnent notre monde. C’est là toute la magie de son art : il est en perpétuelle mouvance, capturant l'air du temps et le transformant en un spectacle qui n’est jamais le même d’un soir à l’autre.
En fin de compte, Emmanuel Chaunu ne se contente pas de dessiner la réalité ; il la vit, la joue et la remodèle sur scène, offrant aux spectateurs une expérience unique. Avignon devient le cadre de cette alchimie particulière, un lieu où le dessin et la comédie fusionnent pour offrir une satire vivante, pleine de verve et de créativité. En ces jours de festival, chaque sourire, chaque rire, chaque esquisse est une ode à la liberté d’expression et à la puissance de l’art dans un monde en perpétuelle mutation.