Au cœur de la Luna, salle obscure baignée d'émotions, résonne un spectacle singulier, vibrant de vérité et de douleur. « Nos histoires », pièce écrite par Frédérique Auger et mise en scène par Giorgia Sinicorni, plonge les spectateurs dans les méandres de relations d'emprise à travers le prisme d'une amitié. Une amitié entre Vicky, Québécoise, et Max, interprété par Jean Charles Chagachbanian, tous deux pris dans des relations toxiques – elle avec son amoureux, lui avec sa mère.
Frédérique, à la fois autrice et actrice, nous confie que la pièce ne se limite pas aux relations homme-femme ni aux violences conjugales. « Nos histoires » explore les relations toxiques d'un point de vue psychologique, abordant l'emprise au sein de la famille et du travail. Le texte de Frédérique, puisé dans ses propres expériences, témoigne d'une vérité universelle : l'emprise peut toucher tout le monde, mais il est possible de s'en libérer.
Giorgia, quant à elle, a su mettre en scène cette répétition de schémas toxiques de manière poignante. La pièce se déroule principalement dans un bar, cadre quotidien mais aussi métaphorique, où les personnages semblent enfermés dans une cage invisible, répétant inlassablement les mêmes gestes, les mêmes erreurs. Cette mise en scène abstraite permet au public de ressentir, plus que de comprendre rationnellement, la lourdeur de l'emprise et la possibilité de s'en échapper.
Un moment clé de la pièce voit les personnages alterner leurs rôles dans une scène de montée d'énergie et d'agressivité contrôlée. Frédérique et Jean-Charles, après des répétitions intenses, parviennent à incarner ces changements rapides de personnalité avec fluidité. La scène, complexe à monter et exigeante pour les acteurs, est devenue la signature du spectacle, témoignant de la transformation des personnages et de leur lutte pour se libérer.
Ce n'est pas une pièce de prévention, nous disent les créatrices, mais une histoire racontée avec sincérité et profondeur. L'impact sur le public est indéniable. Les spectateurs, touchés par la vérité de ce qui est joué, viennent souvent partager leurs propres expériences, reconnaissant parfois pour la première fois les signes de l'emprise dans leur vie. L'émotion palpable dans la salle démontre que « Nos histoires » résonne profondément, au-delà du simple divertissement.
La création de ce spectacle a été un voyage pour Frédérique et Giorgia. Elles racontent comment les échanges avec le public, les réactions sincères et parfois bouleversantes, les ont surprises et émues. Pour Frédérique, voir son texte, inspiré de ses propres expériences, touchant tant de gens, est une validation de son travail et de sa démarche artistique. Pour Giorgia, l'important est de toucher les gens, de créer une connexion émotionnelle qui transcende la scène.
Loin de se poser en moralisatrices, les créatrices de « Nos histoires » offrent une exploration humaine et artistique de l'emprise. Leur approche subtile et nuancée permet de saisir la complexité de ces relations toxiques sans tomber dans la caricature ou le didactisme. L'espoir, fil conducteur de la pièce, est porté par l'amitié entre les personnages, démontrant que même dans les situations les plus sombres, la lumière peut jaillir grâce aux liens que nous tissons avec les autres.
La mise en scène de Giorgia, avec sa capacité à capturer l'essence des personnages et à traduire les nuances du texte de Frédérique, élève « Nos histoires » à un niveau où le théâtre devient une véritable catharsis. Les spectateurs sortent de la salle non seulement divertis mais aussi introspectifs, réfléchissant à leurs propres vies et aux relations qui les entourent.