Publié par : Jérôme C., le 20/07/2024

Mon petit grand frère - théâtre - Critique - Avignon Off

Titre : Mon Petit Grand Frère
Dates : du 29 juin au 21 juillet, relâche les 1, 8, 15 juillet
Heure : 14h55
Durée : 1h
Théâtre : 3S - Salle 2


Plongée intime et bouleversante dans les souvenirs d'enfance de Miguel-Ange Sarmiento, "Mon petit grand frère" représente un voyage à travers la mémoire et le traumatisme, sur une scène épurée mais poignante. La pièce s'ouvre sur une date précise, le 9 mars 1971, marquée par une tragédie annoncée à la radio : deux enfants sont morts noyés. Dès cet instant, l'atmosphère est teintée de mélancolie et de gravité, habilement renforcée par la présence d'un camion, d'un ours en peluche et d'une poupée sur scène.

Miguel nous invite à revivre son enfance, parsemée de moments de tendresse et de douleur, où l'humour subtil allège à peine le poids des souvenirs. Les dialogues révèlent une relation complexe avec ses parents, notamment à travers un potentiel complexe d'Œdipe exacerbé par la peur de voir sa mère pleurer. La phrase "Maman est cassée" résume bien cette fragilité maternelle qui hante Miguel.

La mise en scène, volontairement simple et pudique, permet au texte de prendre toute sa dimension. Chaque mot, chaque métaphore, résonne avec intensité. Le bonheur, personnifié et parfois diabolisé, devient un personnage à part entière de cette narration introspective. "Je l'ai vu prendre sa valise, ses gants et partir," dit Miguel, évoquant un bonheur insaisissable et indifférent à ses supplications : "Le bonheur reste insensible à mes doléances."

L'intimité de la pièce est accentuée par des scènes marquantes, telles que le "pas de deux" avec la mort, acceptée comme une présence inévitable. Le contraste entre les paroles du père, "Vas-y chante, couvre les pleurs de ta mère," et la description de la maison familiale comme un "tombeau" souligne ce paradoxe constant entre vie et mort, entre joie et peine.

Miguel, en questionnant l'existence de Dieu face à la tragédie, pousse le spectateur à une réflexion profonde : "Qu'avait-il de mieux à faire le 9 mars ?". Cette interrogation sur la divinité et le destin ajoute une dimension philosophique à l'œuvre.

L'intensité du jeu de l'acteur, la beauté du texte rempli de métaphores, et la capacité de la pièce à faire ressentir la profondeur des émotions de Miguel rendent "Mon petit grand frère" touchante et sincère. Sans artifice ni excès, cette pièce intimiste parvient à capturer la douleur et la résilience humaine, laissant le spectateur ému et pensif, avec une admiration sincère pour la délicatesse de cette œuvre qui nous rappelle que certaines choses que l'on ne dit pas doivent et se doivent d'être dites.
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